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L’agribashing, un nouvel acteur international ?




Publié par La Rédaction le 3 Novembre 2021

Dans son dernier ouvrage « Agribashing, Une violence qui s’ignore », Alexandre Baumann dénonce l’agribashing, ce « phénomène qui se construit depuis plusieurs dizaines d’années autour de la pseudo-écologie ». Loin de concerner uniquement l’agriculture locale, l’auteur nous présente dans cette interview l’impact international de l’agribashing.



Quel serait l’impact d’une chute des rendements en France pour les pays importateurs ?

Globalement, une hausse des prix évidemment. La France est un important exportateur de denrées essentielles : blé (quatrième exportateur mondial), pommes de terre (premier mondial), maïs (sixième mondial), viande bovine (premier européen), oléagineux (premier Europe), œufs (premier Europe), etc.
Prenons le blé, qui est sans doute la culture la plus importante. La France a représenté 11,60 % des exportations mondiales (en prenant les vingt principaux exportateurs) en 2019. Parmi les principaux pays importateurs, on trouve des pays assez pauvres. Ainsi, les trois plus gros importateurs sont l’Indonésie (10,96 Mt), l’Égypte (10,42 Mt) et la Turquie (10,00 Mt). Il y a aussi les Philippines (7,15 Mt), le Nigeria (4,66 Mt) et le Bangladesh (4,59 Mt). Une hausse des prix pourrait se traduire par des difficultés supplémentaires pour ces pays déjà fragiles sur le plan alimentaire.
Toutefois, il faudrait une étude approfondie pour savoir exactement dans quelle mesure. Il serait nécessaire d’analyser pays par pays la production, le rôle des importations, de telle ou telle culture dans l’alimentation (ex : la Turquie transforme en farine une large part du blé qu’elle importe) et de regarder la production/consommation de plats transformés). De plus, les conséquences d’une baisse de rendement ne sont pas forcément proportionnelles : une baisse de -10 % du rendement peut entraîner une baisse de -40 % de la production si l’activité perd sa rentabilité et que les agriculteurs changent de culture ou arrêtent. Bref, c’est une question très complexe.
Reste que l’impact mondial d’une baisse de la production en France doit se poser. Une baisse des rendements veut dire moins d’exportations et plus d’importations et donc des prix de l’alimentation globalement plus élevés.
Sur ce thème, je vous encourage à lire le thread de Denis Beauchamp, qui travaille justement dans le commerce de blé et nous parle des évolutions du prix du blé et de leurs conséquences : https://twitter.com/GrainHedger/status/1452935486767603719
 

Outre la France, comment les pays producteurs sont-ils impactés par l’agribashing ?

Je suis resté sur une perspective essentiellement française. Pour approfondir le sujet, il faudrait étudier l’agribashing dans d’autres pays. Il semble bien implanté aux États-Unis et en Allemagne, qui sont aussi les pays les plus importants, avec la France, pour le marché bio.
Toutefois, plusieurs impacts sont évidents.
Tout d’abord, l’agribashing est un frein considérable à la recherche agronomique. Les faucheurs volontaires et la pression politique ont basiquement tué la recherche sur les OGM en France. La désinformation et le climat de méfiance envers les biotechnologies ont probablement aussi eu un impact important sur leur développement. L’agribashing oriente également la recherche dans des directions absurdes. Par exemple, l’INRAE semble consacrer ses ressources à chercher des alternatives au glyphosate (alors que c’est un très bon herbicide dont l’interdiction est absurde)… En retenant la France, cela retarde la recherche globale et limite, du même coup, les gains de rendements et d’efficience que le progrès scientifique pourrait apporter.
Ensuite, l’agribashing a eu un impact sur l’agriculture mondiale en favorisant l’agriculture bio dans le monde, en poussant des filières spécifiques à se développer, etc.
Enfin, l’une des principales « exportations » de l’agribashing est évidemment la désinformation autour des OGM, qui a probablement limité les recherches et l’implantation des OGM dans de nombreux pays. On pense évidemment au cas du riz doré…
 
 

Depuis plusieurs années Greenpeace mène campagne contre le riz doré. Illusion pour certains, solution miracle pour d’autres, que devons-nous penser de ce riz génétiquement modifié ?

Il y a essentiellement 3 points importants pour répondre à cette question :
  • Est-ce que le riz doré a un rendement et des caractéristiques agronomiques comparables au riz ordinaire ?
  • Est-ce que sa teneur en vitamine A est suffisante ?
  • Est-ce qu’il coûte plus cher aux agriculteurs ?
La réponse au premier point semble être affirmative. Selon l’International Rice Research Institute (un centre de recherche fondé en 1960), le riz doré « ne requiert pas de pratiques de culture spécifique et a généralement le même rendement et performances agronomiques [que le riz ordinaire]. » Dans le même sens, un article publié par Nature en 2021 conclut que les variétés de riz doré testées « égalent la performance des cultures parentes en termes de rendement et de performance agronomique, ainsi qu’en termes de qualité du grain. » De même, une étude publiée dans le Journal of agricultural and food chemistry en 2019 observe que « la seule différence significative entre GR2E [= riz doré] et le riz contrôle étaient les niveaux de β-carotene et autres caroténoides “provitamine A” dans le grain. »  (Idem Datta et coll. 2007)
La question de la teneur en vitamine A était effectivement embarrassante au tout début du riz doré, la première version n’en produisant que 1,6 μg/g. Toutefois, ce point est réglé depuis 2005, avec le développement du trait GRE2, qui produirait vingt-trois fois plus de bêta-carotène. La variété étudiée dans l’article de Nature sus-cité couvrait 30 à 50 % des besoins journaliers. Celle étudiée dans l’article publié en 2019 permettrait de couvrir 89-113 % et 57-99 % des besoins d’enfants en bas âge respectivement au Bangladesh et aux Philippines.
Les critiques arguant qu’il y a d’autres sources de vitamine A sont clairement fallacieuses : si c’était si simple, les parents ne laisseraient pas leurs enfants devenir aveugles et mourir. Cet argument est un peu du niveau « ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! » Niveau humanité, on repassera…
Enfin, la licence est gratuite aux agriculteurs gagnant moins de 10 000 $/an (c’est-à-dire la quasi-totalité des agriculteurs). Il ne coûte donc pas plus cher.
Donc sur le papier, le riz doré est très prometteur. Reste à voir s’il tiendra ses promesses une fois mis en place. Pour le savoir, il faudrait néanmoins qu’il soit autorisé, ce qu’il n’est toujours pas dans les pays où il a vocation à être utile.
Beaucoup reprochent au riz doré le temps qu’il met à être développé. Toutefois, ce temps est largement imputable au lobbying anti-OGM, qui dissuade les soutiens (financements, mise à disposition d’installations, participation aux essais, etc.) au projet, pousse à développer des réglementations extrêmement dures contre les OGM et encourage les actions violentes (ex : arrachage d’essais aux Philippines en 2013).
«En ce qui concerne le riz doré, le prix de l’opposition aux cultures OGM en Inde seulement a été évalué à 200 millions de dollars par an au cours de la dernière décennie. »
C’est un peu la même mentalité que de faire un croche-pied à quelqu’un qui court, puis de se moquer de lui quand il trébuche…
Enfin, il faut aussi avoir en tête que le riz doré n’est que le premier pas vers des aliments enrichis en divers vitamines ou minéraux. Une équipe a ainsi développé un riz enrichi en fer et en zinc et une banane enrichie en vitamine A.
En face de ces éléments, on a l’opposition acharnée de Greenpeace qui mitraille les arguments plus éculés les uns que les autres, alimente les polémiques locales et agite les populations pour faire blocage. Le pire est que les anti-OGM vont donner des arguments sur le thème : « ça ne marchera pas ». On voit immédiatement qu’il y a un énorme problème : si le riz doré n’est pas une bonne solution à la déficience en vitamine A, il ne survivra pas l’épreuve de la réalité et sera abandonné. Pourquoi est-ce que les militants s’opposent à cela ? Cela n’a aucun sens. Enfin si, un : si cela marche, on verra l’imposture des discours anti-OGM. C’est bien l’intérêt de Greenpeace qui est en jeu.
Cette organisation montre ainsi ce qui est probablement son vrai visage : une multinationale sans âme, prête à tout pour défendre ses intérêts.
 
 


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